Pierre Terdjman - Hegid

Pierre Terdjman

Pierre Terdjman

L’accès à une information objective de qualité est plus compliquée qu'il n'y parait, surtout dans certaines zones du globe.

Avec le développement d’Internet et des réseaux sociaux, la presse s’est profondément transformée. La gratuité apparente des nouveaux média cache parfois de l’amateurisme éditorial, une dépendance à des régies publicitaires ou à un actionnariat influent. Au-delà même des médias nouvelle génération, les pressions de certaines puissances provoquent beaucoup de défiance par les citoyens quant à la neutralité de leurs journaux. Parmi les différents supports d’information, les photos authentiques constituent une source d’information des plus fiables, peu importe le support.

Pierre Terdjman est un photojournaliste français. Il a co-fondé Dysturb, un mouvement fédérant des centaines de photographes dans le monde pour relayer les histoires dont ils sont les témoins. Leur mode de diffusion disruptif leur permet de s'affranchir des médias habituels. Les membres de ce collectif affichent leurs tirages directement sur les murs des plus grandes villes et sensibilisent au photojournalisme des milliers de jeunes dans les écoles. Dysturb a déjà collé des milliers d’affiches géantes dans 150 villes, en se finançant principalement seuls.

Derrière son objectif, Pierre a couvert des évènements internationaux majeurs comme les conflits russo-géorgiens, la guerre en Afghanistan, ou le tremblement de terre en Haïti. Plus récemment, il a photographié les printemps arabes, l’attentat du Bataclan à Paris, ou encore les tensions en Centrafrique. Celui qui a grandi dans la culture urbaine française est devenu rapidement photographe indépendant pour le New York Times, Le Monde ou Paris Match. Frustré d’être témoin de tant de situations révoltantes qui n'arrivent pas à la connaissance du public, il initie Dysturb en 2014, et décide de présenter l’actualité internationale d'une manière totalement indépendante des restrictions imposées par les médias conventionnels, en publiant des clichés dans la rue, au travers de collages urbains. Ces photographies géantes en noir et blanc présentent des sujets cruciaux, comme le changement climatique, les inégalités subies par les femmes. Sur le modèle du réseau d'affichage publicitaire les images Dysturb s'imposent au regard des passants dans leurs déplacements quotidiens.

Bien que ces pratiques puissent déranger certains, l’objectif premier de Dysturb est d'attirer l'attention sur les populations touchées par des injustices sociales, politiques ou environnementales, en espérant pouvoir sensibiliser des personnes ayant le pouvoir de faire avancer ces situations. Les clichés, choisis pour leur partialité, aident aussi à informer un public qui ne suit pas nécessairement les informations, ou qui ne fait plus confiance aux médias traditionnels. Dysturb, décidément vertueux, n'affiche jamais de contenu violent et respecte l'environnement en utilisant une colle à base d'eau qui n'endommage pas l’espace urbain.

Pierre offre le regard de milliers de photojournalistes à tous, dont les déçus des médias, qui ne croient plus que ce qu’ils voient. Il nous en dit plus. 

Soldats dans la vallée de Kapissa en Afghanistan. Credits : Pierre Terdjman

 

Comment êtes-vous devenus photoreporter ?

Je suis devenu photo reporter au debut des années 2000, un peu par hasard, en rencontrant un photographe à Jerusalem qui m’a donné l’envie de faire ce métier. J’ai débuté par des stages puis j’ai commencé à interner des rédactions vers 2002. J’ai depuis couvert plusieurs conflits pour des publications comme Paris Match ou le New York Times, un peu partout en Afrique et au Moyen Orient essentiellement. Depuis 2018, je concentre mon travail photographique sur les questions sociales en France. J’ai lancé avec mon business partner Dysturb en 2016, et depuis, nous travaillons d’arrache-pied à developer et faire grandir notre projet.

L'indépendance a-t-il toujours été une évidence pour vous ?

Une évidence! Je suis incapable de rester en place sur une chaise, et j’ai toujours eu un peu de mal avec l’autorité, ça a pu me fermer quelques portes, mais ça me permet d’avoir une approche différente quand il s’agit de manager des gens. Mais l’indépendance se paye au prix fort, c’est un métier où il faut constamment chercher de nouveaux clients et de nouveaux projets, il n’y a pas de filets.

Des inondations à Paris. Credits : Pierre Terdjman.

 

Vous avez couverts beaucoup de situations de tension, quelle leçon en tirez-vous sur le relai d’information par les media traditionnels ?

La majorité des journalistes font leur métier plus que correctement, avec documentation, respect de l’éthique et de la déontologie de notre métier, mais malheureusement le traitement médiatique de grands événements, par les chaines de télévision en continu en particulier, peut parfois faire rougir. Avec Dysturb, nous essayons justement de revenir vers une information plus claire, moins commentée, analysée. Je déteste regarder les infos et avoir l’impression d’être devant un match de foot. Nous avons besoin de plus de faits et de moins de commentaires, c’est cette approche que nous développons avec Dysturb,; nus avons l’ambition de parler a un public et alerter sur le monde qui l’entoure. C’est important de revenir à une information plus claire, et il y a aussi une attirance pour la violence et les images choc qui, parfois, peuvent atténuer le propos. Ce sont des questions que nous devons constamment nous poser quand nous rapportons des histoires. 

Comment se porte la liberté de la presse ?

Mal, les droits des journalistes et le respect de leur métier reculent un peu partout dans le monde, même chez nous, en France. Certains comportements sont intolérables contre les journalistes, et nous sommes devenus, pour beaucoup, une sorte d’ennemi. Beaucoup de gens détestent les journalistes ou en ont une mauvaise image car on leur as raconté n’importe quoi sur notre métier. Trop facile de dire : "C’est la faute des journalistes !" 

Quelles sont les principaux obstacles que vous avez dû surmonter dans votre aventure Dysturb ?

J’ai dû sortir de ma zone de confort, faire des photos n’était plus suffisant. J'ai dû apprendre à gérer une association, structurer des projets, et aller chercher des financements pour tout ça. Nous sommes une petite équipe mais très complémentaire et soudée. Tout seul, tout cela aurait été impossible.

Campagne de sensibilisation de Dysturb contre le Covid 19 à New York. Credits : Dysturb.

 

Des conseils pour ceux qui voudraient se lancer ?

Bien réfléchir à pourquoi on veut faire ce métier, et être conscient que, comme l’écosystème a beaucoup changé, désormais ne faire que du photojournalisme peut être très dur financièrement. Il faut developer plusieurs sources de revenus, et ne pas aller chercher au bout du monde, le fait de faire des photos de guerre ne fait pas de vous un meilleur photographe. Savoir ce que vous allez raconter et pourquoi, cela fera de vous un bien meilleur journaliste. Souvent, c’est en bas de chez soit que sont les meilleurs histoires. Documenter notre société est aussi important, ces jours-ci, que d’aller explorer celle des autres.

Quels sont vos projets à venir ?

Nous travaillons des nouvelles campagnes autour de la thématique #womenmatter que nous avons lancé il y a deux ans, et nous développons les programmes pédagogique de l’année prochaine pour les milliers d’élèves auprès desquels nous intervenons dans nos modules d’education à l’image et aux medias.

Campagne #womenmatter de Dysturb à Ballarat en Australie. Credits : Madz Rehorek pour Dysturb.

 

Comment suivre votre actualité ?

Sur instagram @pierreterdjman, @dysturb et en ligne dysturb.com.

Que peut-on vous souhaiter ?

Que ca continue comme ca !

Campagne de sensibilisation de Dysturb à Punta Secca en Italie. Credits : Dysturb.

 

Quelle cause vous tient à cœur ?

L’éducation. Clairement, l’avenir de nos futures generations tient en grande partie à l’éducation et aux valeurs qu’on leur fera passer.

Des enfants sensibilisés au photojournalisme par les membres de Dysturb. Credits : Dysturb.

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